Le Bestiaire n°III

Dans Le Bestiaire de Marcel Broodthaers, figure majeure de l’art post-duchampien dont on célébrera le centenaire en 2024, un réseau secret de correspondances relie les animaux réels ou imaginaires qu’on croise au fil des pages : l’abîme, l’agneau, l’aigle, l’alcoolique, le banquier, le bœuf, l’huile et le vinaigre, la mer, le rhinocéros… Leur seule énumération communique déjà une joie venue de l’enfance, joie de semer le désordre dans les catégories ordinaires.
Présentations par Jean Daive et Maria Gilissen-Broodthaers

Date de publication : 15 mars 2024
Format : 21 x 30 cm
Poids : 960 gr.
Nombre de pages : 208
ISBN : 978-2-85035-143-3
Prix : 30 €

Marcel Broodthaers, relisant et détournant les Fables de Jean de la Fontaine, cherche à brouiller la frontière entre humain et non-humain : « tout est emmêlement — la figure naïve de l’animal et la figure innocente de l’homme », note Jean Daive, passeur avec Maria Gilissen-Broodthaers de sa poésie. Pour approcher ces nuances infinies, qui travaillent les frontières entre les règnes comme elles travaillent les règnes eux-mêmes, l’écriture de l’artiste belge se fait labile, tramée de dessins et de ratures qui l’interrompent et la relancent.

À l’image de ce qu’il avait fait avec Un coup de dés jamais n’abolira le hasard de Stéphane Mallarmé, dont il avait caviardé chaque vers pour repousser plus loin encore la limite entre sens et non- sens, il ne cesse dans Le Bestiaire de raturer ce qu’il écrit. Les poèmes de ce volume relèvent d’une intranquillité enthousiaste, comme le souligne Jean Daive : « dire et raturer, redire et raturer, écrire et raturer, et raturer la rature, et de nouveau la rature la raturer et l’expliciter autrement »…

Cette intranquillité se traduit dans l’entremêlement d’un désir d’écrire de la poésie et d’un désir de dépasser la poésie. On peut se souvenir que c’est à partir d’une cinquantaine d’exemplaires invendus des poèmes de son Pense-Bête qu’il réalisait sa première œuvre plastique en 1963-1964, en les figeant dans une base informe de plâtre. Plus tard, ce sont deux vers du Bestiaire qui lui donneront l’idée de son fameux musée imaginaire, initié en 1968, le Département des aigles : « Ô Tristesse, envol de canards sauvages / Ô Mélancolie, aigre château des aigles »… Comme si sa pratique conceptuelle et critique naissait chaque fois des cendres de sa poésie.

Ouvrage publié avec le concours du Centre national du livre.

Les auteurs

Marcel Broodthaers est un artiste et poète belge, né le 28 janvier 1924 à Bruxelles et disparu le 28 janvier 1976 à Cologne. Il commence des études de chimie à l’Université Libre de Bruxelles en 1942, qu’il abandonne en 1943. La même année, il entre au Parti communiste. En 1947, il signe le tract « La Cause est entendue », publié à Paris, ouvrant la voie à la dissidence des Surréalistes Révolutionnaires de France et de Belgique par rapport à l’orthodoxie d’André Breton. Il commence par publier plusieurs livres de poèmes : Mon livre d’Ogre en 1957, Minuit en 1960, La Bête Noire en 1962 et Pense-Bête en 1964. Sa démarche prendra ensuite une tournure conceptuelle et critique avec les Casseroles de moules en 1965 ou le Département des aigles de 1968 à 1973, musée d’art moderne imaginaire, où cartes postales et caisses en bois vides tiennent lieu d’œuvres exposées.

Presse

Véronique Bergen, Le Carnet et les Instants

Extraits

« Je parlais bas à la montagne.
Je ne pouvais pas plus sortir de ma peau qu’elle ne pouvait sortir de l’écorce terrestre.
Quelles étaient les paroles que je remuais aussi doucement ?
Il neigeait de la neige noire. »
(L’abîme)

« Coup tragique de foudre. Née de Père Mirage et de Mère Angoisse.
Désespérée avec son cou de couleuvre.
Seulement lui parler de la mer seulement la nuit.
Ne jamais la réveiller le matin sinon le matin disparait pour toujours. »
(L’autruche)

« Enfin, je vois clair en moi-même.
Le malheureux ! Il ignorait que la lumière
lui fut fatale. »
(Le cancrelat)

« D’humeur versatile, il charge les oiseaux, la plupart des impressions d’enfance. Il charge le vent avec la brusquerie d’un dentiste qui attaque le mal à sa racine. Il fait l’ombre. Mangeur d’étoiles. »
(Le rhinocéros)

Écrits d’artistes

Passé le moment des avant-gardes, la discussion sur l’art est abandonnée aux professionnels du discours, et l’on oublierait presque que les artistes sont les premiers à penser leur pratique, que la peinture et la sculpture pensent. Réflexions, propos, notes, journaux, correspondances ou entretiens : la collection « Écrits d’artistes » entend actualiser ce fonds d’une grande richesse, bien souvent ignoré, pour donner à entendre la voix des praticiens de l’art.

Once the moment of the avant-garde is gone, discussions on art are left to the speech professionals. Then, one could nearly forget that artists are the first to consider their practice, that painting and sculpture think. Reflections, remarks, notes, diaries, correspondences or interviews : the collection “Writings by artists” aims to update this considerable fund, frequently ignored, to give a voice to the practitioners of art.

Autres livres de cette collection