Ce qu’il aurait fallu

CE QU’IL AURAIT FALLU évoque des personnes ou des événements politiques, sociaux, culturels, sportifs connus qui sont, parmi d’autres, des symptômes exemplaires de ce qui ne va pas dans notre monde actuel. Le texte, par sa forme litanique, explore un champ mitoyen du « Je me souviens » de Perec. Collecter quelques bassesses de ceux qui nous gouvernent ; mais aussi nos indifférences ou nos tolérances coupables dans le champ du quotidien.

Date de publication : 14 mars 2017
Format : 11 x 18 cm
Poids : 50 gr.
Nombre de pages : 16
ISBN : 979-10-92444-57-5
Prix : 5 €

Le texte n’épargne ni les citoyens, ni ceux qui nous gouvernent, car la capitulation, dans une démocratie, est un acte qui se joue la plupart du temps à deux.
Ainsi, il aurait fallu que les gens refusent dans les bars de s’asseoir sur des chaises Coca-Cola, Ice Tea, Red Bull ou je ne sais quoi d’autres. Que chacun refuse de poser son cul sur une publicité.
À l’origine de ce consensus délétère, j’ai cherché des éléments du quotidien. Il me semble qu’il fallait commencer par « les cadeaux Bonux ». Dans mon souvenir, là fut la première œillade du capitalisme au consommateur pour acheter sa complicité. Le cadeau Bonux, c’est le lancement de la corruption légalisée : un cadeau contre un assentiment. La porte ouverte à un pas de deux toujours plus insidieux et toujours plus ambitieux.
Je crois aussi avoir commencé à penser ce texte lors du débat d’entre-deux tours de l’élection présidentielle de 2007. Face à Ségolène Royal qui défendait les 35 heures, Nicolas Sarkozy a dit ceci : à quoi ça sert les RTT quand on n’a pas de quoi payer des vacances à ses enfants ? Je ne sais plus ce qu’a répondu la candidate socialiste mais il n’était pas question dans son intervention de l’essentiel, c’est-à-dire du bonheur, du plaisir, de l’épanouissement de soi, de la liberté… Certes, il y a longtemps que les questions philosophiques ne traversent plus les débats politiques mais j’en avais marre d’entendre que le temps libre n’était questionnable que du point de vue économique ; qu’il ne valait la peine, qu’à condition qu’on le passe sur des plages lointaines, au bord des barrières de corail et dans le mépris des populations locales…
Bien sûr, les années Sarkozy sont au cœur de ce texte car d’une certaine manière, elles ont sur-ligné un dédain public pour la pensée. Un triomphe d’une vulgarité qui a cessé de se sentir honteuse et qui aimait s’afficher. Mais cela avait bien entendu commencé avant, et mon texte aime souligner une « joyeuse » continuité : Il aurait fallu que les chaussures de Roland Dumas coûtent un petit peu moins cher. Que Rose-Marie Guéant n’ait jamais acheté deux marines peintes par Andries Van Artvelt.
Et puis cette litanie laisse parfois libre cours à une colère naïve que je n’ai pas voulu brider et qui circonscrit quelques incongruités de notre époque ! (Raffarin, premier ministre qui cite la chanteuse pour midinettes, Lorie !) ; pointe, ailleurs, des aberrations devenues invisibles (Il aurait fallu qu’il n’existe pas de raviolis en boîtes. De carottes déjà râpées. Que la mention Vu à la télé n’ait jamais été déposée) ; des exigences oubliées (Il aurait fallu que l’école apprenne aux enfants à mieux écouter les voix. Que “former les oreilles” fasse partie du programme.) ; une meilleure défense de la qualité (Il aurait fallu apprendre à affiner ses goûts et trouver dégueulasse le Lipton Yellow)… ou rêve avec un peu d’humour à des modèles sociaux plus convaincants… (Il aurait fallu que Zinédine Zidane soit non seulement kabyle mais homosexuel et qu’il ait lu tout Georges Perec et tout Jean Genet.)
Ce qu’il aurait fallu est une petite bille lancée à la base du grand échafaudage tordu… Quelques flagrants délits et quelques consignes à prendre en compte pour bâtir un monde un soupçon plus exigeant et donc meilleur. Qui réhabiliterait une certaine qualité de vie et mettrait au placard les ersatzs, les faux-semblants, les paillettes…

CHRISTOPHE FOURVEL

+++ Une mise en voix du texte, par l’auteur et Émilie Harding, peut être écoutée ici.

Les auteurs

Christophe Fourvel est né en 1965, il vit non loin de Besançon. Animateur d’ateliers d’écriture, il est l’auteur de nombreux livres pour adulte et pour enfant, de textes pour la scène, de chroniques dans la presse.
Il a publié aux éditions La Fosse aux ours : Le mal que l’on se fait (2014), Bushi no nasake (2011), Des hommes (2002), Dumky (2000), Derniers paysages avant traversée (1999) ; aux éditions La Dragonne : Montevideo, Henri Calet et moi (2006), Anything for John (2005), Journal de la première année (2001) ; au Chemin de fer : La dernière fois où j’ai vu un corps (2011) ; chez Médiapop : On dira qu’on a gagné (2021), Ce sont des bateaux que l’on regarde partir (2020), Ode au corps tant de fois caressé (2019), Chroniques des années d’amour et d’imposture (2019).

Présentation de C.F. sur le site de la Maison des écrivains, et sur le site du Centre régional du livre de Franche-Comté.

Presse

Articles de Joël Becam (« L’amour délivre »), Jean-Paul Gavard-Perret (« Le Littéraire »), Jean Klépal (« Epistoles improbables »), Jérémy Liron (« Les pas perdus »).

Extraits

Il aurait fallu se méfier des cadeaux Bonux.

Il aurait fallu que Calvin Klein ne produise pas des tee-shirts sur lesquels il est simplement écrit Calvin Klein.

Qu’Isabelle Adjani refuse de tourner dans des publicités pour des lessives.

Il aurait fallu que France Info diffuse moins souvent ses directs de la Bourse de Paris avec Jean-Pierre Gaillard puis Vincent Bezault puis je ne sais trop qui.

Que les joueurs de football de couleur trouvent les mots justes pour exprimer le sentiment sans doute étrange qui consiste à être à la fois milliardaires et moqués comme des singes.

Il aurait fallu rencontrer une fois dans sa vie d’écolier un ancien déporté. Un prisonnier politique sud-américain et un soviétique.

Que les télévisions s’inquiètent un tout petit peu moins de la blessure de Zinédine Zidane, contractée en Corée du Sud en 2002. Que Christian Karembeu dise plus clairement qui était son grand-père. Que Bernard Laporte ne parle jamais d’Aimé Césaire. Qu’il ne soit jamais en situation de le faire.

Qu’Intermarché n’ait pas associé son nom à celui des Mousquetaires.

Que les clubs de vacances soient des formes marginales de vacances.

Il aurait fallu se souvenir qu’une plage du bout du monde n’est qu’accessoirement une plage et avant tout le lieu d’une manière de vivre et de penser.

Qu’on ne parle pas chaque mois de « l’indice de confiance de l’Université du Michigan ».

Il aurait fallu qu’un nombre significatif de maisons de la presse refusent d’afficher les couvertures de Gala, Closer, Paris Match, VSD, Voici sur leurs vitrines. Qu’on puisse se retourner juridiquement contre certaines publications creuses et mensongères au motif d’atteinte à l’intelligence du lecteur.

Qu’un nombre significatif de professeur de français aient pleuré en lisant Au-Dessous du volcan de Malcolm Lowry, certains passages de La Recherche du temps perdu. N’importe quelles pages de la littérature qui fassent écho à leur sensibilité : Beckett, Balzac, Sartre, Kerouac : il aurait fallu que ce ne soient que très rarement les mêmes pages.

Littératures

Indifférente aux démarcations de genres, la collection « Littérature » entend représenter une approche curieuse de la création littéraire contemporaine. Poésie, récits singuliers, journaux, carnets, correspondances… : sans autres guides que la surprise et l’émotion, elle s’ouvre à des formes inédites, entêtantes, qu’elle enrichit en les accompagnant d’œuvres originales.

Indifferent to the dividing lines between genres, the collection « Literature » aims to represent a curious approach of the contemporary literary creation. Poesy, singular stories, diaries, notebooks, correspondence… : with no other guides than surprise and emotion, it opens up to new and enhanced forms, paired with original works of art.

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