"Voici un lieu où tout était vivant, jusqu’au désastre et à la mort même. Malgré un dénuement extrême, il semblait enchanteur. Il enchanta en effet ceux qui le vécurent, un couple d’artistes minutieux et visionnaire, Dado et Hessie, leurs enfants, leurs amis, la volaille, les chats et tous ces animaux que l’on dit sauvages autour de l’étang. Par le regard du fils, nous voici au cœur vécu d’une œuvre intime, bouleversante et belle, juste et inquiétante." (Germain Viatte) Dado, le temps d’Hérouval suit les traces de l’artiste dans sa vie quotidienne, retiré dans un hameau de l’Oise.
« Avec Dado », écrivait Daniel Cordier, son premier marchand avec qui le peintre avait noué une complicité intellectuelle, « nous sommes loin de l’esthétique, nous sommes au centre de l’humanité qui saigne, sans littérature et sans complaisance ». En contrepoint d’une œuvre démoniaque et fascinante, l’ouvrage Dado, le temps d’Hérouval suit les traces de l’artiste dans sa vie quotidienne, retiré dans sa maison d’un hameau de l’Oise. « Un enfer », celui du monde contemporain, « transformé en Éden », disait le peintre en évoquant les moments heureux passés là avec ses enfants.
La tendresse d’un regard, celui de son fils, le photographe Domingo Djuric, propose une perspective nouvelle pour aborder l’univers du peintre qui affrontait courageusement l’horreur du monde. Dans la maison-atelier d’Hérouval, entourée de forêts et d’un étang, on retrouve ce que Dado nommait son « côté cour des miracles ». On peut voir les créatures infernales prendre vie sur ses toiles, alors qu’une cigarette au coin de la bouche du peintre se consume, que les fauteuils collectionnés s’empilent, que les inquiétantes poupées de Hessie Djuric nous observent, que les chiens dorment, que les chats veillent parmi les volatiles empaillés et les vieux ossements, que les enfants jouent.
Préface d’Amarante Szidon. Propos de Germain Viatte.
Les auteurs
Issu d’une famille d’intellectuels, Dado (Miodrag Djuric dit, 1933-2010) naît à Cetinje (Monténégro). Après des études à l’École des beaux-arts d’Herceg-Novi puis à celle de Belgrade, il s’installe en France en 1956, où il est découvert par Jean Dubuffet, qui l’introduit auprès de Daniel Cordier. Tout au long de sa vie, guidé par un souci de réinvention permanente, il s’exercera à développer une œuvre hantée par la rencontre du vivant et de la mort, en marge des courants artistiques, sur de multiples supports – dessin, peinture, sculpture, gravure, décors d’opéra, œuvres in situ, numérique – dans un fertile échange entre la culture de son pays d’origine et celle de son pays d’adoption.
Fils de l’artiste Hessie (1933–2017) et de Domingo Ramírez- Arce (1933–1978), Domingo Djuric (1961–2022) est né à New York. Adopté par Dado en 1962, il arrive avec sa mère et son frère en France le 14 juillet de la même année. Dès les années 1980, désormais établi à Paris, il commence à documenter l’atelier de Dado et l’univers d’Hérouval, où il continue à se rendre régulièrement.
Parallèlement, il travaille pour des marques de luxe comme Hermès et Cartier, mais aussi pour le Musée-Galerie La Seita et les Éditions Belfond, les galeries La Hune et Baudoin Lebon, ainsi que pour des artistes tels Bertrand Dorny ou Erik Dietman. Il a signé plusieurs ouvrages autour de Dado avec l’écrivain Claude Louis-Combet : Dado Buffon (1988), Dado. Le sacre du dépotoir (1996) et Dado, de fer et d’os (2014).
En 2020, la galerie Arnaud Lefebvre, à Paris, a organisé une exposition de ses travaux personnels.
Presse
Reportage de la télévision monténégrine, où l’on peut entendre la voix de Dado, écouter Amarante Szidon présenter les livres.
Catherine Millet, Artpress
Fabien Ribery, L’Intervalle
Christian Rosset, Diacritik
François Xavier, Le salon littéraire
Extraits
« “Un enfer transformé en Éden”, voilà comment Dado qualifiait cette série de photographies nous représentant tous les deux, prises au bord de l’étang, en juillet 1981 – qui comptait parmi les rares photographies que nous faisait découvrir Domingo en 2005. Et il ajoutait, avec l’ironie qui le caractérisait si bien : « et un Œdipe réussi ! » On pourrait en effet sans peine comprendre dans quelles conditions assez extrêmes nous vivions à Hérouval, où le chauffage ne fonctionnait pas toujours, où nous n’avions pas l’eau courante – la photo de Dado cherchant le bois de chauffage dans la neige est à cet égard assez éloquente. Reste que, comme l’a exprimé si bien notre ami Erró, nous étions de véritables « extraterrestres », créatures d’un univers construit par Dado et Hessie. Car il ne s’agit pas seulement de l’univers de Dado représenté ici, il s’agit aussi de celui de Hessie, dont on voit les poupées photographiées, et que l’on aperçoit furtivement à plusieurs reprises, par exemple en train de caresser le chat Ao, à la queue courte. Elle, qui pourtant détestait se faire photographier, faisait parfois des exceptions – comme dans le portrait avec Dado au bord de l’étang.
Il y a des années de cela, le docteur Degois, un ami cher de la famille, me recommandait d’écrire sur cette enfance à Hérouval – ce serait un témoignage important, insistait-il. En vérité, ces photographies de Domingo me semblent bien plus parlantes que n’importe quel discours. Et ce qui fait peut-être leur beauté, c’est bien sans doute notre dénuement, magnifié par cette richesse artistique, créatrice, qui imprègne toute l’atmosphère, dans cet environnement d’Hérouval, où la nature régnait en maître, en écho à la fascination de Dado pour la faune et la flore, où les animaux étaient des personnages à part entière, les chiens Piccolo et Stromboli au premier chef, véritables gardiens de l’atelier, mais aussi les chats, la basse-cour, l’effraie commune Lulu recueillie oisillon dans un fossé sur le chemin de retour de l’école, et même les vaches des prés attenants –, et dans lequel les éléments naturels – l’étang, la végétation – composaient le décor de notre Enfer-Éden, dans lequel art et vie se confondaient, les frontières étant si floues et indistinctes, suscitant parfois l’effroi chez les âmes un peu trop sensibles. » (Amarante Szidon)